7.9.10

HONEST JONS, label mondialiste.

A la fois disquaire londonien et label mondialiste, Honest Jon's surprend à chacune de ses sorties. Normal, Damon Albarn se cache derrière tout cela.
Lyon, Jeudi 10 Juillet 2008. En clôture du festival « les Nuits de Fourvière », le leader de Gorillaz est attendu avec sa revue Honest Jons pour une prestation qui s'annonce incendiaire. La délégation annoncée fait d'avance frissonner : Afel Bocoum, illustre musicien malien, Hypnotic Brass Ensemble, excellente fanfare new-yorkaise repérée aux côtés de Mos Def, Candi Staton, soul sista opérant un retour en grâce depuis la réédition de ses trésors 70's oubliés et Tony Allen, mythique batteur de Fela ... Au total pas moins de 20 artistes se succèdent sur scène, tous issus d'horizons musicaux à priori différents réunis autour d'une seule exigence : la sincérité. Le final finira de combler les plus exigeants : Damon Albarn et la totalité de la troupe se réunissent pour interpréter « Sunset Coming on ». Complainte pop intimiste dans ses premières mesures, le morceau opère sa mue durant dix minutes : chants maliens et claviers hypnotiques entament la danse, les cuivres et percussions emportant le tout dans une explosion de rythmes : irrésistible.


Honest Jons Revue (feat D. Albarn) aux Nuits de Fourvière
envoyé par NuitsdeFourviere. - Clip, interview et concert.

L'aventure Honest Jons démarre en 1974. Installé sur Portobello Road en plein cœur du quartier jamaicain de Notting Hill, la boutique, défricheuse de vinyles jazz et soul, étoffe peu à peu ses bacs de musiques indiennes, africaines et antillaises. Véritable lieu de métissage culturel à l'image de sa vie sociale locale, elle devient ainsi une vraie fenêtre sur le monde ainsi qu'un haut lieu d'indépendantisme : « C'était une période intéressante, relate Alan Scholefield (proprio des lieux), on plantait les premières graines de la musique punk ... les membres des Clash habitaient juste à côté et ils étaient tous clients, Il y avait des punks qui achetaient du reggae, de la soul, du funk ... parce qu'ils pouvaient l'intégrer à leur musique » ... London Calling en ligne de mire.

Client assidu du magasin dans les années 90, Albarn se lie peu à peu d'amitié avec les ptits gars d'Honest Jon's. « Ils m'ont recommandé énormément de musique africaine » : passerelle évidente pour un voyage au Mali en octobre 2000. Contacté par l'ONG britannique OXFAM qui souhaite l'envoyer à Bamako et différentes régions maliennes, le chanteur de Blur accepte mais pose ses conditions. « Beaucoup de gens sont aujourd'hui méfiants vis-à-vis des associations caritatives à cause des détournements d'argent. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai proposé, au lieu d'une simple opération médiatique, de monter un véritable projet musical. Les musiciens sont payés, mais ma part ira à OXFAM. » C'est donc munis de deux DAT et d'un melodica qu'il part à la rencontre de musiciens locaux. Il reviendra avec plus de 80 heures d'enregistrements. Une année de travail sera nécessaire pour rendre justice à la sensibilité musicale malienne tout en s'autorisant d'habiles bricolages sur ordinateur. Loin d'être insipide, le résultat dépasse toutes les espérances de ses créateurs : c'est un véritable voyage musical, osé, parfois déroutant, toujours surprenant. Soucieux de préserver la singularité du projet, Albarn propose alors aux gens d'Honest Jons de créer un label qui s'apparenterait à un « club ouvert sur le monde entier. » Honest Jons Records est né. Mali Music sera sa première sortie discographique, jetant ainsi les bases d'une culture axé non pas sur un style prédominant mais sur la multiplicité des sensibilités, qu'elles soient algériennes, caribéennes, cubaines ou club, exactement à l'image de la boutique.



En activité depuis bientôt dix ans maintenant, le label se porte bien. On remerciera sa tête de gondole de l'investissement consacré et de son ouverture d'esprit, le label éditant régulièrement des trésors oubliés, opérant ainsi un vrai travail de mémoire collective. Living Is Hard: West African Music in Britain, 1927–1929 compile des enregistrements de musiciens africains expatriés au Royaume-Uni. Ces enregistrements demeuraient introuvables pour les amateurs, les bandes étant restées bien cachées au fin fond des entrepôts d'EMI. Merci Honest, on peut désormais se faire une idée des musiques liées à la diaspora africaine à Londres : le blues n'était pas qu'une affaire d'afro-américains ... Give Me Love : Songs Of The Brokenhearted, Baghdad, 1925-1929 publié quelques mois plus tard s'intéresse à la musique irakienne, un bon moyen de se rendre compte qu'un solo de flûte peut être aussi déjanté qu'une explosion de guitare wha-wha. Et comment ne pas mentionner le formidable disque de Terry Hall & Mushtaq : The Hour of Two Lights, qui réunit le chanteur des Specials et Fun-Da-Mental, collectif anglais pionnier des mixs ethno-electro. L'album est une réussite totale, regroupant des manouches polonais, un rappeur algérien aveugle, des musiciens syriens, ca sonne comme si Gorillaz allait faire ses courses chez Tati. Hautement recommandable !




Incontestablement, Honest Jons a réussi le pari de figurer parmi les meilleurs labels de musiques du monde actuellement, proposant un catalogue original, sans cesse renouvelé et ouvert à la mixité.

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